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C’est en tant que jeune journaliste, fraichement diplômé de l’institut des sciences politiques et des relations internationales, que j’ai connu Tahar Djaout, un jour d’été 1990 à l’hôpital de Bainem, ou il a justement succombé le 2 juin 1993. J’avais entres les mains le roman d’André Gide les “faux monnayeurs”, lorsque je l’ai aperçu, en compagnie de sa mère. Je le connaissais déjà, car sa renommait été de taille.
Le premier contacte été très facile. Tahar, en modeste écrivain, jeta un regard sur le roman de Gide, et me dit “ca c’est un roman dans le roman”, et facilement il entame avec moi une discutions sur la littérature et le journalisme. Ensuite il m’invite à lui rendre visite à “Algérie Actualité”, ce grand hebdomadaire qui a préparé la formation intellectuelle de ma génération, de part son engagement à défendre l’esprit d’ouverture durant les années quatre-vingt du siècle dernier.
A l’époque, je n’étais qu’un jeune journaliste débutant à “parcours maghrébin” version arabe, l’hebdomadaire que dirigé H’mida Ayachi “. Diplômé de science po, le journalisme été pour moi une affaire d’engagement intellectuelle, et le personnage de Djaout m’a toujours fait croire de la justesse de mon choix, car lui même fut un modèle de ce journaliste combattant et engagé, qui puise ces sources dans la grande tradition sartrienne.
C’est lors d’une discussion avec lui que j’ai appris l’influence réciproque entre les journalistes et les professionnels de la pensée. De cette discussion, qui m’a laissé attentif, Djaout avait défendu l’idée selon laquelle sans les journalistes – écrivains et engagés, l’affaire Dreyfus n’aurait probablement rencontré aucun écho, et sans l’appui du journalisme les intellectuels n’auraient jamais pu réaliser leurs moment de grandeur. Que serais devenu Michel Foucault sans le journalisme (malgré que celui-ci n’ait jamais été tendre vis a vis des journalistes, car il a toujours contesté aux journalistes le droit de juger des œuvres).
Pour Djaout, la médiatisation des intellectuels et l’intellectualisation des journalistes de l’autre ne sont que l’avers et le revers de la même médaille.
Lorsqu’il publie les Vigiles en 1991, je suis allé le voire pour une interview. Il été d’accord. Une fois que j’ai donné l’entretien à mon rédacteur en chef à l’époque au quotidien El khabar, en l’occurrence Omar Ourtiléne un autre ténor de la presse indépendante assassiné le 23 octobre 1995, il décide de le publier en une.
Ourtiléne été satisfait de l’interview, et Djaout n’a pas caché sa joie de voir sa photo à la une d’el khabar.
Dans cet entretien fleuve en deux parties, Tahar avait défendu l’idée selon laquelle tout journaliste engagé doit être au service de l’héritage humain dans sa dimension moderniste.
Le journaliste pour lui “doit penser”, pour reprendre cette phrase inaugurale d’une de ses nouvelles publié dans son livre sous le titre “le reporter”.
Le journaliste de cette nouvelle n’enregistre pas seulement les faits car il a un lien étroit au savoir. C’est une « mécanique écrivante» comme il nous le présente.
Donc le portrait que Djaout nous dessine se résume ainsi : il n’y a pas de différence entre le journaliste et le créateur, nous sommes en face des exigences de l’écriture littéraire, car l’auteur nous dit l’état d’angoisse, et la souffrance de l’acte créateur en ces termes « cela fait douze jours que je suis ici sans avoir pu rien écrire
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(Hamid Abdelkader ( journaliste – Algérie *